Le classicisme n'est pas toujours léger

deux œuvres sombres des frères Joseph & Michael Haydn

par Bart Van Reyn

Été 1798. Joseph Haydn se remet à peine de l’épreuve exténuante qu’a été la composition de La Création. L’époque est incertaine : cette année-là, Napoléon a remporté quatre grandes batailles contre l’Autriche, provoquant d’immenses tensions et faisant peser une menace croissante sur la paix en Europe.

Le prince Nikolaus II Esterházy a déjà dû réduire ses dépenses et se séparer de sa Feldharmonie (un orchestre d’instruments à vent), ce qui pose un défi à Haydn : composer une messe pour un orchestre réduit aux seuls cordes, orgue, trompettes et timbales. Le résultat est l’une de ses œuvres les plus brillantes : Missa in Angustiis (Messe pour les temps difficiles), dans laquelle il utilise sans relâche les trompettes et timbales pour tisser une atmosphère sombre, imprégnée de la menace de la guerre.

Au moment de la première interprétation, Napoléon vient de subir une lourde défaite face aux Anglais de Lord Nelson lors de la bataille du Nil. Deux ans plus tard, Nelson lui-même se rend au palais Esterházy, où il aurait rencontré Haydn après une interprétation de cette puissante messe de guerre. Dès lors, l’œuvre sera surnommée la Messe Nelson.

Une autre œuvre tout aussi sombre retentit en 1809 lors des funérailles de Joseph Haydn : un Requiem composé en 1771 par son frère cadet, Michael Haydn. Son ouverture présente une ressemblance frappante avec le Requiem de Mozart—ce qui n’a rien d’étonnant : adolescent, Mozart a sans doute entendu cette œuvre à Salzbourg, où il deviendra un an plus tard le collègue de Michael Haydn.

Michael Haydn écrit ce Requiem en à peine deux semaines, bouleversé par la mort de leur employeur, l’archevêque de Salzbourg, mais aussi accablé de chagrin après le décès de sa propre fille, disparue peu de temps auparavant.

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