Gustav Mahler · Kindertotenlieder
« Kindertotenlieder » est un cycle de lieder inspiré du recueil de poèmes que Friedrich Rückert écrivit après la mort de deux de ses enfants. Mahler en choisit cinq, qu’il mit en musique entre 1901 et 1904. Le cycle est souvent perçu comme une préfiguration du chagrin qui devait frapper Mahler quatre ans plus tard, lorsque sa propre fille mourut de la scarlatine. Le compositeur déclara lui-même qu’il n’aurait jamais pu écrire ces lieder après ce drame.
Avec ce cycle, Mahler annonçait déjà l’évolution stylistique de ses deux dernières symphonies. Ses textures denses et ses sonorités orchestrales grandioses cédèrent la place à un langage musical plus dépouillé et transparent. Le compositeur privilégia le contrepoint à l’harmonie chromatique postwagnérienne qui jusque-là dominait son œuvre. Ainsi parvint-il à traduire de manière bouleversante l’atmosphère de sérénité et de dépassement qui imprègne le dernier poème du cycle.
Johannes Brahms · Concerto pour violon, violoncelle et orchestre en la mineur
Brahms qualifia son Double Concerto de « drôle », « amusant », « folie » et « plaisanterie » – des termes que l’on n’associe guère à l’écoute de l’œuvre. Le Double Concerto est une partition titanesque, comme taillée dans le granit musical. Les passages orchestraux sont écrits avec une rigueur presque spartiate, tandis que les parties solistes se distinguent par une vigueur âpre, parfois rude. L’œuvre compte parmi les derniers grands concertos du XIXe siècle, dans la lignée de Beethoven, lui-même héritier de la tradition classique de Mozart.
Derrière ces propos légers, les raisons du Double Concerto sont pourtant graves. En 1880, Brahms s’était brouillé avec son vieil ami et collaborateur, le violoniste Joseph Joachim. Ce dernier soupçonnait son épouse d’entretenir une liaison avec l’éditeur de Brahms, Fritz Simrock. Mais Brahms crut à l’innocence de Mme Joachim, ce qui provoqua une rupture entre les deux hommes. Bien que le nom de Joachim apparaisse dans les lettres que Brahms écrivit pendant la composition du Double Concerto, ils n’étaient pas encore réconciliés. Les contemporains du compositeur confirmèrent que le concerto constituait une offrande de paix. Clara Schumann nota dans son journal : « Ce concerto est une œuvre de réconciliation – Joachim et Brahms se sont parlé pour la première fois depuis des années. »
Brahms qualifia son Double Concerto de « drôle », « amusant », « folie » et « plaisanterie » – des termes que l’on n’associe guère à l’écoute de l’œuvre. Le Double Concerto est une partition titanesque, comme taillée dans le granit musical. Les passages orchestraux sont écrits avec une rigueur presque spartiate, tandis que les parties solistes se distinguent par une vigueur âpre, parfois rude. L’œuvre compte parmi les derniers grands concertos du XIXe siècle, dans la lignée de Beethoven, lui-même héritier de la tradition classique de Mozart.
Derrière ces propos légers, les raisons du Double Concerto sont pourtant graves. En 1880, Brahms s’était brouillé avec son vieil ami et collaborateur, le violoniste Joseph Joachim. Ce dernier soupçonnait son épouse d’entretenir une liaison avec l’éditeur de Brahms, Fritz Simrock. Mais Brahms crut à l’innocence de Mme Joachim, ce qui provoqua une rupture entre les deux hommes. Bien que le nom de Joachim apparaisse dans les lettres que Brahms écrivit pendant la composition du Double Concerto, ils n’étaient pas encore réconciliés. Les contemporains du compositeur confirmèrent que le concerto constituait une offrande de paix. Clara Schumann nota dans son journal : « Ce concerto est une œuvre de réconciliation – Joachim et Brahms se sont parlé pour la première fois depuis des années. »
extrait de la note de programme de John Mangum (source : LA Phil)
Claude Debussy · La Mer
Le pouvoir de la suggestion
Claude Debussy (1862–1918) mise, dans La Mer, sur le pouvoir de la suggestion et de l’atmosphère. Le chef d’orchestre et compositeur Leonard Bernstein décrivait ainsi la musique impressionniste lors de l’un de ses Young People’s Concerts : « Elle ne raconte pas des faits, il ne s’agit pas d’une description réaliste, mais plutôt de couleurs, de mouvements et de suggestions. »
Debussy composa La Mer entre 1903 et 1905, inspiré par d’« innombrables souvenirs » de la mer, par les marines de Monet et par des estampes japonaises telles que La Grande Vague d’Hokusai. En trois esquisses symphoniques successives – De l’aube à midi sur la mer, Jeux de vagues et Dialogue du vent et de la mer –, il évoque le jeu des vagues et du vent. Par l’usage de combinaisons sonores inusitées et l’évitement des tonalités majeures et mineures traditionnelles, il crée une fluidité harmonique et des textures chatoyantes qui circulent dans l’orchestre comme dans un mouvement perpétuel de couleurs et de nuances.
Aleksander Skrjabin · Le Poème du feu
Le messager de la lumière
Scriabine poussa l’imagination encore un peu plus loin dans sa Cinquième Symphonie, Prométhée. Le Poème du feu. Prométhée est celui qui vola le feu aux dieux pour le donner aux hommes. L’œuvre marque l’aboutissement de la vision musicale excentrique de Scriabine, inspirée par les œuvres philosophiques de Nietzsche, de Kant et des théosophes comme Helena Blavatsky. Le compositeur considérait la musique comme le moyen d’exprimer ses idées mystiques et d’élever l’humanité à une conscience supérieure.
Le Poème du feu est destiné à un orchestre gigantesque avec piano solo, grand chœur mixte – qui chante des vocalises à la fin – et « clavier à lumières ». Scriabine imagina cette œuvre comme une expérience synesthésique totale, où la musique pouvait être entendue, mais aussi vue. Un clavier spécialement conçu faisait varier les couleurs de la lumière en fonction du contenu musical, bien que le compositeur ne donna pas d’instructions à cet égard. L’œuvre ne fut jamais jouée de cette manière de son vivant. Son mysticisme inspira également à Scriabine la conception d’un nouvel agencement des sons, au-delà des limites de la tonalité fonctionnelle. Il en tira « l’accord mystique », une série dissonante de six notes qui donna naissance à toutes les harmonies et à toutes les mélodies de la composition, tel un univers dans lequel tout prend forme. Le Poème du feu se construit progressivement jusqu’à un accord final fortissimo en fa dièse majeur, explicitement tonal et écrasant, qui symbolise l’union transcendante de l’humanité et du cosmos.
Texte d'Aurélie Walschaert