En réponse à la mort subite de la reine Caroline d'Angleterre le 20 novembre 1737, Georg Friedrich Haendel composait l'hommage The ways of Zion do mourn. Funeral Anthem for Queen Caroline HWV 264, une gigantesque antienne interprétée par un grand chœur et orchestre lors des funerailles à l'Abbaye de Westminster.

Pour Haendel cependant, cette composition signifiait plus qu'une simple commission professionnelle. Elle était surtout un témoignage avec lequel il voulait exprimer toute sa gratitude et sympathie pour la souveraine et leur longue et fidèle entente.

Une entente exceptionelle

Georg Friedrich Haendel (1685-1759) semble avoir eu le nez fin pour nouer les bons contacts tout au long de sa carrière. Jeune homme, son talent l’entraîne de sa ville natale de Halle vers entre autres Hambourg, Hanovre et l'Anglettere, où il s'établit définitivement en 1717. Pendant ses voyages, il accède très rapidement aux cercles les plus élevés de la noblesse. A Hanovre, par exemple, il devient maître de chapelle après une rencontre avec le prince Ernest-Auguste de Hanovre.

Grande amoureuse des arts, Caroline d’Ansbach (1683-1737), fille du margrave de la principauté de Brandenbourg-Ansbach et épouse du prince Georg August, n’est sans doute pas étrangère à cette nomination. Pour avoir grandi dans une cour où l’art et la culture sont hautement considérés et font partie intégrante de la vie quotidienne, c’est une femme intelligente et instruite, qui a en outre reçu une éducation musicale en chant. Haendel compose spécialement pour elle une série de duos de chambre italiens. Après avoir accédé au statut de princesse en 1714, et plus tard lorsqu’elle est couronnée souveraine de Grande-Bretagne et d’Irlande, Caroline met un point d’honneur à favoriser le développement des arts et des sciences. Elle fait construire une grande bibliothèque au Palais Saint-James et y invite d’importants scientifiques comme Isaac Newton et des écrivains, dont Alexander Pope. Son influence s’exerce également dans la sphère politique : en l’absence de son époux, elle s’occupe des tâches de gouvernance.

son soutien à la culture bénéficie à beaucoup, et en particulier à Haendel. Il exprime notamment sa gratitude en lui dédiant son opéra le plus adulé, Giulio Cesare. Et en 1714, il retravaille son Te Deum in D major HWV 280 pour célébrer l’arrivée de Caroline à Londres. Après sa naturalisation britannique le 20 février 1727 (signée de justesse de la main du roi George I), Haendel est de plus en plus sollicité pour composer de la musique cérémonielle pour la cour. C’est ainsi qu’il compose le 11 octobre 1727 les Coronation Anthems en l’honneur du couronnement de George II et de la reine Caroline. Pour cet événement exceptionnel, il élabore une œuvre monumentale nécessitant le concours de choristes et musiciens extérieurs pour renforcer le chœur et l’orchestre de l’Abbaye de Westminster. Depuis lors, l’antienne la plus célèbre de cette série, Zadok The Priest, est interprétée à chaque couronnement de la maison royale britannique.

“"Une œuvre d’une beauté la plus cruellement touchante qui ait jamais été entendue."”
- princesse amalia, fille de la reine caroline

Un hommage de grande envergure

Aprè le décès subite de la reine Caroline, c’est Haendel qui est choisi pour composer la musique de ses funérailles. Le majestueux hymne de la longueur d’un oratorio et interprété par environs 150 musiciens, est particulièrement bien reçu et décrit comme "des plus admirables et très appropriée pour ces circonstances mélancoliques ".

The ways of Zion do mourn se structure en une lente Sinfonia d’introduction pour cordes graves, suivie de treize fragments pour chœur. Les textes sont des lamentations bibliques issues de l’Ancien Testament, formant un récit cohérent sur la souffrance de ceux qui restent, les qualités de la reine de son vivant et l’espoir en l’avenir. Haendel y intègre également quelques références aux mélodies chorales allemandes pour évoquer les origines luthériennes de Caroline, mais aussi les siennes. L’œuvre est entièrement composée pour chœur, accompagné de hautbois, bassons et cordes. Les parties instrumentales alternent avec les passages du chœur, en solo ou en configuration complète.

Info concert