I'd blink my eyes
And wave my arms
I'd wish a wish
To stop all harm

(Extrait de If, par Michael Nyman)

Le 22 avril de chaque année, la Journée de la Terre constitue un moment privilégié pour réfléchir au bien-être et à l’état de notre planète. Lancée en 1970 sous la forme d’une action de sensibilisation à la pollution de l’eau et de l’air aux États-Unis, elle représente aujourd’hui l’un des plus grands mouvements environnementaux au monde. Plus d’un milliard de personnes issues de quelque 200 pays se mobilisent désormais dans le cadre de manifestations, projets et initiatives en faveur de la protection de la planète.

À l’occasion de la Journée de la Terre, le Vlaams Radiokoor interprète une œuvre récente de la compositrice américaine Sarah Kirkland Snider : Mass for the Endangered. Celle-ci se veut à la fois une complainte pour les êtres vivants menacés et un appel à l’action. Les six mouvements de la messe sont entrecoupés de brefs interludes au piano créés par des compositeurs contemporains tels que Michael Nyman et Bryce Dessner. Ils offrent un moment de réflexion sur la façon dont nous traitons notre planète.

Vastes plaines

Né en 1946, le compositeur letton Pēteris Vasks est un homme engagé, y compris sur le plan écologique. Chacune de ses œuvres a pour vocation de transmettre un message : « La plupart des gens ne sont guère animés par la foi, l’amour ou les idéaux de nos jours. La dimension spirituelle a disparu. Mon propos est de nourrir l’âme, et c’est ce que je prêche dans mes œuvres ». La relation entre l’homme et la nature, la beauté de la vie et la menace d’une destruction écologique et morale de ces valeurs résident au cœur de son travail.

Lidzenuma ainavas (Plainscapes), une œuvre de 2002 pour chœur, violon et violoncelle, puise son inspiration dans les vastes plaines de Zemgale, une région du sud de la Lettonie. Le compositeur a tenté de retranscrire en une méditation musicale la fugacité et la versatilité du paysage, dont l’aspect change à chaque saison, sans rien perdre de sa beauté. En guise de prélude au joyeux éveil de la nature, le chœur entonne une vocalise sans paroles, qui diffère légèrement à chacune des trois reprises.

“À l’instar de la messe catholique, notre Mass for the Endangered est une prière adressée à une puissance supérieure pour implorer sa miséricorde, son pardon et son intervention, mais là où la messe catholique sollicite Dieu, la nôtre s’adresse à la nature elle-même.”
- sarah kirkland snider

Prière musicale à la nature

Selon le Boston Globe, la Mass for the Endangered de Sarah Kirkland Snider (1973) constitue « l’une des dix bonnes raisons de tomber amoureux de la musique classique ». Ce n’est pas tout : d’autres médias de premier plan tels que le Wall Street Journal, Gramophone et BBC Music Magazine ne tarissent pas d’éloges au sujet de cette prière musicale à la nature. Une reconnaissance que la compositrice doit non seulement à son style qui transcende les genres, à la croisée du classique et de la pop, mais aussi aux thèmes brûlants qui y sont abordés. Sa messe constitue en effet un vibrant plaidoyer en faveur de la Terre mère et de tous les êtres vivants, délivré sur un mode qui, selon le New York Times, « se situe au-delà de l’activisme écologique ».

Sur le plan de la forme et du recours au texte, Sarah Kirkland Snider se réfère délibérément à la tradition de la messe catholique. Des extraits de la messe originale en latin alternent avec la prose du librettiste Nathaniel Bellows : « Nathaniel et moi avons voulu nous appuyer sur la messe catholique traditionnelle pour vouer un culte aux espèces en voie de disparition et à leur milieu menacé. »

La compositrice confie que cette messe est sa première grande commande pour un chœur. Cela lui a rappelé son enfance et les moments où elle chantait avec le chœur du lycée de Princeton : « Je me suis plu à me remémorer les requiems de Mozart, Brahms et Fauré, les messes de Palestrina et Byrd, et les chorals de Bach ». Sa messe tente de relier cette tradition vocale européenne séculaire aux traditions folkloriques américaines contemporaines. C’est ainsi que s’y côtoient des chants analogues à ceux de la mystique du XIIe siècle Hildegard von Bingen, des bribes de musique pop et de la musique minimaliste incantatoire.

Sarah Kirkland Snider ne s’en tient d’ailleurs pas uniquement à la musique. Inspirée par le langage poétique de la designer Deborah Johnson, elle lui a demandé d’ajouter une composante visuelle à la messe. Il en résulte une série de six vidéos conçues comme une cathédrale du cosmos, un ultime lieu de repos dans l’au-delà pour toutes les espèces végétales et animales qui ne peuvent plus survivre sur Terre. Chaque vidéo dévoile un élément de cette cathédrale, depuis les vitraux jusqu’au retable, l’ensemble de la structure se révélant dans la dernière vidéo, telle une éternelle demeure pour la faune et la flore.

Quelque part entre rêve et réalité

Michael Nyman (1944) et Bryce Dessner (1976) flirtent également avec les frontières de la musique classique. Figure de proue de la musique minimaliste contemporaine, Michael Nyman est aussi connu pour ses musiques de film. Son œuvre If pour piano solo fut en effet composée pour la bande originale du film d’animation Le journal d’Anne Frank. La berceuse Song for Octave de Bryce Dessner est tout aussi émouvante. Celle-ci a été composée en 2020 pour son propre fils à la demande du pianiste Bertrand Chamayou, dans le cadre d’un album entièrement consacré à ces lieder voués à réconforter les jeunes enfants à l’heure du coucher, mais aussi les bébés à naître, comme en témoigne la Berceuse voor Zita d’Alain de Ley. Toutes deux offrent dans ce programme un moment de réflexion sur ce que nous transmettons aux futures générations.

Explications : Aurélie Walschaert

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